… du Jardin de Prunelle
On me demande souvent,
pourquoi un gîte pour personnes handicapées ?
Le début de la réponse se trouve certainement dans mon passé de constructeur de side-cars.
J’ai connu à cette époque de nombreuses personnes qui avaient eu un accident de la vie, pas forcément lié à la moto, auxquelles il manquait un bras, une jambe, parfois les deux, et pour lesquelles l’adjonction d’un side à leur moto était vitale.
On est motard un jour, on le reste toujours, même s’il passe parfois quelques mois ou quelques années sans se poser sur une selle de moto.
Lorsque j’ai commencé à en fabriquer, les premiers « Jumbos » se sont créés en France. On était faits pour grandir ensemble…
Un jumbo, c’est un rassemblement de side-caristes suite à l’appel d’un motard travaillant dans un centre d’enfants handicapés pour leur offrir le temps d’un grand week-end, promenades, visites et jeux, en collaboration avec une municipalité pour planter les tentes, disposer de sanitaires (si, si, les motards se lavent aussi !!) et utiliser un espace public. Les familles nous accompagnaient avec le reste des fratries en voitures et en fourgons avec le personnel de l’établissement.
Nous avons limité certains jumbos à 100 side-cars, belle file de plus de 3 kms sur les routes.
Tous ceux qui ont organisé ou participé à nos premiers Jumbos ont des souvenirs formidables de ces gosses maltraités par la vie qui nous donnaient leur confiance, leur sourire, leur joie, et nos problèmes personnels nous paraissaient plutôt insignifiants… J’ai appris avec eux à relativiser bien des choses. Pour chaque gamin, le plus petit progrès est une victoire…
Les Jumbos se pratiquent toujours un peu partout en France, en toutes saisons, il n’existe pas que le Téléthon, les motards sont solidaires toute l’année !!
C’est tout naturellement que le projet de gîte qui me trottait dans les boyaux de la tête depuis longtemps ne pouvait que concrétiser une suite aux Jumbos, un lieu de vacances vraiment adapté à tous, sans discrimination aucune. De plus, mon Ami Raymond Baudon, grand brûlé handicapé, m’a toujours servi d’exemple pour aller au bout du projet, comme une locomotive !!
La vieille ferme située à « l’Ouche Prunelle » à Saint Marsault pouvait convenir à cette réalisation, malgré la masse importante de travaux… des parties en ruines… que les vendeurs appellent « beau potentiel » en termes financiers !! Des ruines, ça ne vaut pas grand chose, alors que « du beau potentiel », ça coûte des sous !!
Le projet avait plu à la municipalité du moment, j’ai été reçu à bras ouverts.
Un architecte local de Cerizay, quelques entreprises artisanales familiales très proches pour exécuter les travaux spécifiques, des visites dans des centres de vie, des foyers, des maisons de retraite et des ateliers de personnes handicapées ont permis d’organiser cet espace de vacances bien à l’aise dans ses vieilles pierres.
Plus de cinq années de travaux, aidé par mon « frère de cœur » Thierry, lorsqu’il le pouvait (il lui fallait venir de l’Isère pour m’assister), mon fils Valentin aussi, quelques amis de temps en temps, une belle dame qui m’est devenue très chère, et quelques voisins, toutes ces personnes ont permis cette renaissance.
Le Jardin de Prunelle a trouvé son utilité, sa véritable identité.
De saison en saison, il évolue, s’améliore au fil des rencontres et des désirs de ses vacanciers, chaque séjour apporte son lot d’expériences et d’astuces, ces petits riens qui contribuent au vrai repos, la détente, les petites joies et les grands fou-rires !!
Je ne peux citer la liste de tous ceux qui ont contribué à sa réalisation, mais je les remercie tous. Sachez bien que juste le fait de m’avoir donné parfois quelques légumes du jardin m’a été aussi précieux que du beau temps durant le chantier… il n’y a pas de petits cadeaux, ça fait toujours chaud au cœur !!
Bien sur, des coups du sort, des problèmes, des mois de météo pourrie, on a connu tout ça.
A chaque fois, je pensais à Raymond, qui avait subi des tourments autrement plus graves et douloureux…et je continuais, Raymond n’a jamais cessé d’avancer, de regarder devant et de sourire en plissant les yeux… « on verra bien demain » disait-il, une bonne nuit là dessus !!
Et Raymond arrivait avec ses béquilles, son humour inoxydable, des biscuits plein les poches pour mes chiens…et des yeux pétillants comme une bouteille de limonade pleine de soleil…
Raymond a rejoint les étoiles avant la fin des travaux, j’aurais pourtant été tellement heureux de l’accueillir au Jardin de Prunelle !!
Les murs de granit du gîte écoutent désormais les rires des enfants, les appels à table des parents, les soupirs de « benaize » des vacanciers, les crépitements du feu dans le poêle ou le barbecue, les cris de joie dans la piscine et les chants des oiseaux… la vieille ferme a retrouvé une utilité pour les hommes… une belle sérénité également.
Que tous ceux qui m’ont aidé acceptent l’IMMENSE MERCI que je leur exprime par ces quelques lignes pour leur rendre hommage. Grace à vous tous, nous vivons désormais de très belles rencontres dans ce gîte, et les larmes des départs nous disent que nous avons eu raison de persévérer autant pour vivre ce rêve, après avoir rêvé cette vie.
Merci à tous,
Bernard